18 octobre 2025

Une "CHEMISE" d'homme - un "CHEMISIER" de femme

Apprenants de français, sachez que le genre des vêtements ne dépend pas du sexe de ceux qui les portent.

Une "chemise" est un vêtement porté par un homme

"CHEMISE" est attesté en français depuis le 10e siècle. Il est issu dbas latin (5e s.) "camisia" f., une chemise de toile portée sur la peau. 

Un "chemisier" est un vêtement porté par une femme

"CHEMISIER" est un dérivé du nom français "chemise" à l'aide du suffixe masculin "-ier" (ex. "table > tablier"). Au début du 20e siècle, un "chemisier" ou une "chemisière" désignait une personne qui faisait ou vendait des chemises pour homme. En 1926, il désignait une "chemisette", une petite chemise, ou une blouse à devant plissé.  

un groupe de rock - une troupe de théâtre

"Groupe" est masculin, "Troupe" est féminin bien qu'ils partagent un sens proche et une finale en -pe /p/. 

Quelle en sont les raisons ? 

GROUPE (m.) est un emprunt à l'italien gruppo m. datant du 17e siècle ; le e final du français est orthographique puisqu'il permet de maintenir le son /p/ qui autrement serait devenu muet comme dans "coup, drap". "Groupe" désignant un ensemble musical tels que nous l'entendons aujourd'hui date des années soixante.

TROUPE (f.) a une toute autre origine qui s'avère plus complexe à retracer. Il est décrit dans les dictionnaires comme une régression de "troupeau" (régression accompagnée d'un changement de genre) qui comme de nombreux autres noms de l'ancien français (trope f. (fin 12e), tropel m.(1190), tropele f. (12e), tropelet m.) dérive du radical francique *trop*trop (entassement) qui avait donné le bas latin troppum nt ainsi que l'adverbe français "trop" (1080). Le féminin peut être dû à l'influence de trope f. ou à la finale fermée marquée typique du féminin ou encore à un féminin sémantique. "Troupeau" s'est spécialisé dans le regroupement d'animaux alors que "troupe" est réservé aux individus (une troupe militaire). C'est au 17e (1662) qu'il commence à désigner également un ensemble de comédiens jouant ensemble.  

Un somme - une somme


SOMME [sɔm]homophones et homographes de genre opposé

26 juillet 2025

Le français NUAGE m. - l'espagnol NUBE f.

Je voudrais réagir à une erreur assez commune lors de comparaisons du genre des noms entre langues romanes. On ne peut comparer que ce qui est comparable.

Voici un exemple pris dans un article de la revue The Open Applied Linguistics Journal, daté de 2008, intitulé  Grammatical Gender Affects Bilinguals’ Conceptual Gender: Implications for Linguistic Relativity and Decision Making

Il est courant de lire que certains noms ont des genres grammaticaux opposés dans différentes langues romanes, bien qu’ils désignent la même réalité. C’est le cas du mot « nuage », masculin en français (un nuage), et de son équivalent espagnol nube, féminin (una nube). À première vue, cette différence semble illustrer une certaine arbitrarité du genre grammatical. Pourtant, une analyse étymologique révèle une toute autre réalité.

Deux mots pour une origine commune : nūbēs

L'espagnol nube f. (nuage) et le français nue f. sont des formes sœurs, toutes deux issues de la langue mère latine nūbēs, nūbis, féminin, signifiant « nuage » ou « nuée ».

  • En espagnolnube est attesté dès le XIIIᵉ siècle. C’est un emprunt direct au latin nūbēs dont il conserve à la fois le sens (nuage) et le genre féminin.

  • En français, le mot nue apparaît dans les textes au début du XIIᵉ siècle avec la même origine latine : nūbēs. Lui aussi conserve le genre féminin du latin. Ce mot est aujourd’hui vieilli, mais subsiste dans des expressions comme tomber des nues ou porter aux nues.

Le français et l’espagnol ont emprunté le même mot féminin latin : nube et nue sont soeurs.

Quand le français masculinise le ciel : l’apparition de nuage

Le contraste de genre apparent aujourd’hui ne vient pas d’un désaccord entre les langues, mais d’un développement ultérieur propre au français.

  • Dès la fin du XIIᵉ siècle, le français crée, à partir de "nue", un dérivé féminin : nuée (suffixe -ée f.), signifiant « amas de nuages » ou « gros nuage ». 

  • Au XVIᵉ siècle, émerge nuage, un nouveau dérivé à partir de nue, mais avec le suffixe masculin –age (comme dans village, feuillage, paysage, laitage).  

Le masculin du "nuage" français résulte d’un changement morphologique interne au français.

Conclusion : une opposition apparente, une origine commune

L’exemple souvent repris du « nuage » français et de la nube espagnole ne démontre pas le caractère aléatoire du genre grammatical. Il illustre au contraire une parenté étroite et des mécanismes internes à chaque langue :

  • Espagnol : nube ← nūbēs (féminin conservé)

  • Français : nue ← nūbēs (féminin conservé, mot vieilli) → nuage (dérivé masculinisé)

Plutôt que de refléter une variation capricieuse du genre, ce cas révèle la stabilité des héritages étymologiques et la régularité des processus de dérivation. Le genre grammatical n’est pas arbitraire : il est construit, transmis, ou reconfiguré selon les formes, les suffixes et l’histoire lexicale des mots.


Latin nūbēs (f.)
     │
     ├──► Espagnol : nube (f.) — XIIIe
     │
     └──► Français : nue (f.) — XIIe
                │
                ├──► nuée (f.) — XIIe (vieilli)
                └──► nuage (m.) — XVIe (courant)


Espagnol :  NUBE f.
Latin : Nuba  f.
Français :
NUE f. D'un lat. pop. *nuba, altération du lat. class. nubes «nuage; essaim; obscurité, voile (fig.)»
NUEE f. Dér. de nue*; suff. -ée, v. -é.
NUAGE m. XVIe Dér. de nue* auquel il s'est substitué; suff. -age (suff. masculin)



24 juillet 2025

Noms féminins atypiques à finale Vø (ouverte-démarquée)

 Dans un billet précédent, nous avions examiné les noms masculins les plus atypiques — ceux dont la finale ouverte (vocalique) marquée (type Ve, ex. le lycée) dérogeait aux régularités majoritaires. Aujourd’hui, poursuivons cette exploration avec un autre cas extrême : les noms féminins à finale fermée (consonantique) non marquée, que nous noterons Cø (ex. la mer).

22 juillet 2025

Noms féminins atypiques à finale Cø (fermée démarquée)

   Dans un billet précédent, nous avions examiné les noms masculins les plus atypiques — ceux dont la finale ouverte vocalique marquée (type Ve, ex. le lycée) dérogeait aux régularités majoritaires. Aujourd’hui, poursuivons cette exploration avec un autre cas-limite : les noms féminins à finale fermée consonantique non marquée, que nous noterons Cø (ex. la mer).

21 juillet 2025

Noms masculins atypiques à finale Ve (ouverte marquée)

    Dans notre précédent billet, nous avions établi une cartographie des quatre types de finales phonographiques possibles pour les noms français. Aujourd'hui, nous allons identifier les noms masculins atypiques à finale ouverte marquée (ex. un musée).

Une "CHEMISE" d'homme - un "CHEMISIER" de femme

Apprenants de français, sachez que le genre des vêtements ne dépend pas du sexe de ceux qui les portent. Une  " chemise "  est un ...