22 juillet 2025

Noms féminins atypiques à finale Cø (fermée démarquée)

   Dans un billet précédent, nous avions examiné les noms masculins les plus atypiques — ceux dont la finale ouverte vocalique marquée (type Ve, ex. le lycée) dérogeait aux régularités majoritaires. Aujourd’hui, poursuivons cette exploration avec un autre cas-limite : les noms féminins à finale fermée consonantique non marquée, que nous noterons Cø (ex. la mer).

📌 Petit rappel 1 : les types de finales

On distingue généralement quatre grands types de finales :

  1.  (voyelle, sans e) : (ex. un pot /po/)

  2. Ve (voyelle + e) : (ex.  une vie /vi/)

  3.  (consonne, sans e) : (ex. un sac /sak/)

  4. Ce (consonne + e) : (ex. une ville /vil/)

📌 Rappel 2 : la distribution du féminin

La norme prototypique du féminin :

A l'oral, 60 % des noms féminins ont une finale fermée (consonantique).
A l'écrit, 70 % des noms féminins sont marqués (présence d’un e final).

Distribution par type de finale :

    Type de finaleProportion
        Ce            57 %  (ex. une valise, la tendresse)
                    27 %  (ex. la paix, la vertu, la révolution, la liberté)
        Ve            13 %  (ex. une idée, une librairie)
                    3 %  (ex. la soif, la chaleur)

🔍 Focus sur la finale féminine : des cas rares


        La finale est la plus marginale dans le système féminin : seulement 85 noms féminins relèvent de ce type dans notre corpus, soit 3 % du total. À ce titre, elle peut être qualifiée de "contre-nature" pour le genre féminin, au même titre que Ve l’était pour le masculin.

🧬 Un profil morphologique bien défini

1. Les dérivés du suffixe -eur /œʀ/ (féminin) – genre suffixal

Ils constituent la majorité du corpus Cø féminin : 53 noms sur 85, soit environ 65 %.

aigreur, ampleur, apesanteur, ardeur, blancheur, blondeur, candeur, chaleur, couleur, douceur, douleur, épaisseur, erreur, fadeur, faveur, ferveur, fleur, fraîcheur, frayeur, froideur, fureur, grandeur, grosseur, hauteur, horreur, humeur, laideur, langueur, largeur, lenteur, liqueur, longueur, lourdeur, lueur, odeur, peur, raideur, rancœur, rigueur, rondeur, rougeur, rousseur, rumeur, saveur, teneur, terreur, tiédeur, torpeur, tour, tumeur, valeur, vapeur.

⚠️ Deux exceptions notables : honneur et labeur sont masculins, bien qu’issus du même suffixe.

⚠️ À ne pas confondre avec le suffixe agentif -eur masculin, désignant des personnes ou des machine (acteur, facteur, moteur, ordinateur, projecteur...).


2. Des emprunts anciens – genre étymologique

Des monosyllabes hérités du latin féminin au Moyen Âge (11e-12e siècle) :

cour, tour, mort, part, chair, nef, soif, dot

mer, quant à lui, provient du neutre latin mare.

On note la présencce d'un emprunt plus tardif (16e siècle) oasis

➡️ Le genre féminin se maintient dans les composés : basse-cour, quote-part.


3. Des emprunts modernes à l’anglais – genre analogique

    Contrairement à la tendance majoritaire au masculin par défaut pour les emprunts anglo-saxons, certains noms prennent le féminin par analogie avec un mot français proche :

  • fakenews (→ nouvelle),

  • checklist (→ liste),

  • newsletter (→ lettre),

  • star (→ étoile),

  • ram (→ mémoire),

  • story (→ histoire),

  • take (→ prise),

  • basket, tennis (→ chaussure),

  • santiag (→ botte),

  • jeep (→ voiture),

  • jet-set (→ société).


4. Des apocopes

Formes abrégées issues de mots féminins complets :

  • doc (→ documentation),

  • fac (→ faculté),

  • intox (→ intoxication).


5. Des ellipses lexicales

Constructions elliptiques d’expressions plus longues :

  • la Noël (→ la fête de Noël),

  • la béchamel (→ la sauce béchamel),

  • la javel (→ l’eau de javel).


🧠 Bonus : les noms féminins animés en Cø sont rares

  • sœur (belle-sœur), babysitterpin-upbarmaid


❓Pourquoi une telle rareté ?

La finale semble peu compatible avec le genre féminin, ce qui explique sa marginalité. Elle reste limitée (hors dérivés en -eur) bien que de nouveau emprunts à l'anglais ou de nouvelles apocopes peuvent venir grossir le nombre.


✅ Quel bénéfice pour l’apprenant ?

Cette rareté est un atout pédagogique : les noms féminins à finale Cø sont peu nombreux, mais leurs traits distinctifs (suffixe -eur, emprunts anciens, emprunts anglais) les rendent facilement repérables.

En contrepoint, tous les autres noms à finale Cø (hors exceptions) — soit 97 % des cas — sont masculins, ce qui constitue une règle utile pour la détermination du genre.


Conclusion :

La finale Cø féminine, bien que minoritaire, constitue un micro-système structuré à haute valeur pédagogique. En le comprenant, on renforce ses capacités à inférer le genre des noms… et à éviter les pièges.

Dans un prochain billet, nous explorerons les féminins de type Vø (finale ouverte démarquée) (ex. la toux /tu/)

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